Un rendez-vous annuel très attendu, mais qui ne semble guère apporter grand-chose. Sauf un débat houleux auquel s’invitent plus de 70.000 participants, et de longues négociations sur des dossiers quasi controversés.
La délégation tunisienne officielle est partie pour Dubaï, aux Emirats arabes unis, où elle participera à la 28e Conférence des parties sur le climat de l’ONU, dont les travaux auront lieu à partir de demain 30 novembre jusqu’au 12 décembre prochain.
Un rendez-vous annuel très attendu, mais qui ne semble guère apporter grand-chose. Sauf un débat houleux auquel s’invitent plus de 70 mille participants, et de longues négociations sur des dossiers quasi controversés. Et à chaque fois, c’est la même rengaine : des hauts et des bas, sur fond de tiraillements et de conflits d’intérêts provoqués par les géants industriels du monde et les nains économiques des pays sous-développés. Soit, ceux les plus sensibles aux affres des changements climatiques, et ce sont eux qui en paieront les frais. Alors, que peut-on attendre d’une COP qui se tient dans un pays pétrolier considéré comme mine d’énergies fossiles, source d’émissions de gaz à effet de serre ? La manifestation semble, d’emblée, contradictoire, d’autant plus qu’elle s’annonce être beaucoup plus politique que climatique.
Pourquoi participe-t-on à la COP ?
Alors, que va faire la Tunisie et en quoi consisterait sa participation ? Dotée de sa CDN, Contribution déterminée nationale, actualisée, elle s’engage à aller en discuter et voter pour sa part de marché vert et les investissements locaux qu’elle compte réaliser à l’aide de la finance climat. Mohamed Zmerli, point focal national sur les changements climatiques au ministère de l’Environnement, et chef de la délégation tunisienne à Dubaï, revient sur les raisons de notre participation à la COP des Nations unies. Alors, pourquoi y allons-nous ?, se demande-t-on. A l’ouverture d’une récente conférence à Kairouan sur «l’économie circulaire au service du climat et du développement durable», tenue par l’Apnek et ADL, deux associations locales, M. Zmerli avait, tout bonnement, répondu qu’il y aura autant d’enjeux et de solutions qu’on devrait apporter pour faire face aux dangers bien réels du climat. «A vrai dire, réduire autant que faire se peut les émissions de gaz à effet de serre, atténuer leur intensité et faire en sorte de s’y adapter», explique-t-il, arguant que l’on est dans l’obligation d’opter pour ces solutions.
D’après lui, il sera aussi question d’aborder les tenants et les aboutissants des critères complexes des financements et des donations au titre d’atténuation et d’adaptation. Aucun pays, comme le nôtre, si vulnérable et gravement exposé à ces risques climatiques, n’a d’autre choix que de s’aligner sur les Objectifs du développement durable (ODD). La revanche de Dame nature est bien tangible, on la constate de visu partout et dans tous nos modes de production et de consommation. Ainsi, stress hydrique, les épisodes successifs de la sécheresse, les extrêmes changements climatiques, la raréfaction de nos sources d’eau et d’énergie, la dégradation de nos superficies agricoles, la montée du chômage, la pauvreté, les inégalités régionales, la migration et bien d’autres phénomènes surnaturels sont autant de facettes remarquables d’un climat si capricieux et agité. Aujourd’hui, il nous faut remettre les pendules à l’heure de Monsieur Climat !
Ceci est aussi vrai pour notre sécurité alimentaire. «Surtout que le tout dernier rapport de la Banque mondiale, qui n’est même pas encore sorti, vient, en effet, nous alerter sur les risques de perdre 15% du produit national agricole, soit des centaines de milliards, ce qui est énorme…», fait-il savoir. Mais, si rien n’est fait, cela va nous coûtera une baisse de 4% au niveau de notre PIB, à l’horizon 2030, toujours selon le même rapport de la BM. L’accélération des dérèglements du climat pourrait mettre à l’épreuve la capacité de nos agriculteurs à s’adapter et réduire leurs moyens de subsistance.
Le grand défi d’aujourd’hui, ajoute M. Zmerli, par la même occasion, n’est plus uniquement climatique et naturel, mais aussi économique et politique. C’est aussi un souci communautaire qui requiert un engagement international à passer la vitesse supérieure. Du reste, c’est la volonté politique des Etats qui aurait, finalement, décidé des choix et mécanismes exécutifs des recommandations et propositions avancées à cet effet. Voilà, encore une fois, pourquoi la Tunisie doit prendre part à toutes les COP du climat.
Ces questions qui nous interpellent !
Certes, le défi est climatique, mais l’enjeu demeure purement politique. Et c’est à ce niveau que l’on devrait avoir des réponses à nos questions : qui va nous payer la facture climat ? Et qui aurait le dernier mot pour décider de ces coûts et fixer les limites de nos émissions ? Est-ce les pays les plus menacés par les impacts du changement climatique ou ceux les plus pollueurs et les moins respectueux de l’environnement ? Sommes-nous contraints de porter, gratis, le fardeau des autres ? Cette malédiction de leur «péché originel» ne pourrait, en aucun cas, passer inaperçue !
Autre question qui ferait l’objet du débat à Dubaï, l’accord tronqué sur la constitution du fonds pour «les pertes et dommages» qui avait été salué comme une avancée majeure sur l’un des chapitres des négociations climatiques. Or, ce fonds continue à diviser les opinions et pousser chaque partie à camper sur sa position. Et là, M. Zmerli a souligné qu’il ne s’agit nullement d’une caisse de compensation, loin s’en faut. «Cela n’existe même pas dans le contexte de l’accord de Paris qui avait tout remis sur le tapis. A l’époque, on avait bien parlé de la finance climat, sans jamais évoquer une telle forme de dédommagement», a-t-il encore précisé. L’on se demande si la Conférence de Dubaï va nous éclairer sur cette question.
On est prêt au débat !
D’ailleurs, cette COP, et pour la première fois dans son histoire, aura à dresser un bilan climat sur l’état des lieux mondial dont les données remontent au fameux accord de Paris, adopté au terme de la COP 21 en 2015 et entré en vigueur un an après, soit en 2016. Là aussi, il y a un hic : «L’on ne sait pas si ce bilan se limitera à l’après-2016 ou il englobera le parcours intégral de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (Cnucc), soit depuis 1992», s’interroge le chef de la délégation tunisienne. Aussi, qu’en est-il des 100 millions de dollars que les pays riches s’engagent à accorder, annuellement, à ceux des plus pauvres ? «On nous disait qu’ils ont dû payer la somme, mais nous affirmons, a contrario, qu’ils ont tort et qu’ils n’ont pas pu, jusqu’ici, honorer leurs engagements», révèle notre point focal.
A Dubaï, il y aura, certes, plus qu’un débat, un nouveau round de négociations multipartites. «Nous y sommes allés les premiers et nous sommes prêts à prendre des décisions, parce que nous sommes une partie prenante influente…», déclare M. Zmerli, un jour avant son départ vers Dubaï.
Notre société civile sera également de la partie. L’Apnek de Kairouan ne manquera pas ce rendez-vous climatique planétaire. Elle y participera, avec à son actif une Déclaration des ONG tunisiennes portant sur les recommandations significatives relatives à toutes les questions d’atténuation et d’adaptation aux impacts du changement climatique. Youssef Nouri, universitaire et président de l’Apnek, a fait valoir le rôle de l’économie circulaire, en tant que qu’alternative nécessaire à l’économie linéaire abusive, dont on lui impute la responsabilité des rejets industriels. L’Alliance africaine sur la justice climatique (Pacja), dont la présidente est Dr Najoua Bouraoui, partira également pour ladite COP 28. Elle représentera les 53 pays africains dont la Tunisie, pour défendre leur plein droit à une justice climatique.
Au fil des mois, les yeux sont rivés sur la COP 28, attendue, cette année, à Dubaï, aux Emirats arabes unis, où les négociations-marathons auraient donné matière à réflexion. Et encore des recommandations qui pourraient ne pas voir le jour ou qui risquent d’être renvoyées à l’année prochaine.